Opportunités et défis pour le Sénégal dans le domaine de la production pétrolière et gazière : Enseignements tirés de l’expérience d’autres nouveaux producteurs
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Le Sénégal, qui dispose des réserves importantes de gaz naturel, semble être sur le point de devenir un important producteur d’hydrocarbures. Cette richesse en ressources offre au pays des opportunités, mais présente aussi des risques. Ce document NRGI passe en revue l’expérience récente d’autres « nouveaux producteurs », principalement en Afrique, et tente de tirer des enseignements pour le Sénégal sur la manière d’utiliser au mieux ses ressources en hydrocarbures, en tenant compte à la fois de l’évolution du contexte due à la pandémie de coronavirus et de la transition en cours vers les énergies renouvelables.
Les pays sont confrontés à un certain nombre de défis dans la gestion des revenus tirés des ressources naturelles. Dans ce rapport, nous nous concentrons sur certains défis particuliers qui affectent les pays qui se préparent à la production liée aux découvertes pétrolières et gazières. Tout d’abord, l’expérience internationale a montré qu’un certain nombre de pays a succombé à la « pré-malédiction des ressources » qui survient quand un optimisme excessif concernant les bénéfices futurs du secteur fragilise les politiques gouvernementales et conduit à terme à des résultats décevants. Il est donc important de gérer les attentes du public concernant les conséquences de ces découvertes pour l’économie et de résister aux pressions exercées pour s’engager dans des plans d’emprunt, de dépenses publiques ou d’investissement non durables fondés sur des prévisions trop optimistes sur les revenus qui seront tirés de ces ressources.
La mise en place d’un cadre de gouvernance approprié pour éviter que les revenus ne soient perdus à cause de l’évasion ou de la fraude fiscale et d’une mauvaise gestion pose un certain nombre de défis. Dans le contexte de la pandémie de coronavirus, ces défis sont particulièrement complexes, car les pays sont confrontés à la crainte de perdre des investissements et se demandent s’il faut utiliser leur richesse en ressources pour financer les dépenses temporaires nécessaires à la stabilisation de l’économie.
Messages clés
- Les pays qui s’engagent dans la production de pétrole et de gaz à grande échelle sont confrontés à un certain nombre d’écueils. Le Sénégal peut tirer des enseignements de l’expérience d’autres « nouveaux producteurs » en Afrique.
- Le Sénégal risque de faire face à des attentes démesurées, qui pourraient conduire à des pressions politiques en faveur de niveaux de dépenses disproportionnés. Toutes les parties prenantes ont un rôle à jouer pour contribuer à un débat public éclairé sur les ressources pétrolières et gazières.
- Les perspectives du Sénégal en matière de revenus pétroliers et gaziers sont incertaines en raison de la possibilité de retards dans la production et de volatilité des prix. Les décideurs sénégalais devraient envisager de multiples scénarios et faire preuve de prudence dans leur planification des dépenses futures.
- Les autorités sénégalaises (en particulier, le ministère des Finances et du Budget et l’Assemblée nationale) devraient continuer à s’abstenir d’accorder des allègements fiscaux aux projets qui ont déjà fait l’objet d’une décision finale d’investissement et devraient procéder à des audits de coûts rigoureux.
- Les autorités sénégalaises (en particulier la Présidence de la République, le ministère du Pétrole et des Énergies, le ministère des Finances et du Budget et l’Assemblée nationale) peuvent utiliser les années qui précèdent la production pour mettre en place un contrôle rigoureux des dépenses et de l’investissement provenant des ressources (par exemple, par le biais du fonds souverain) et s’engager à respecter une règle budgétaire qui fixerait la part des revenus pétroliers et gaziers à dépenser et à investir.
- Les plans de conversion du gaz en électricité (ou « gas-to-power ») du gouvernement sénégalais pourraient fournir au pays une énergie moins chère, plus propre et plus accessible. Mais ils comportent également des risques que le pays ne se retrouve piégé dans le gaz, ce qui pourrait compromettre la viabilité budgétaire (par des contrats « take-or-pay ») et empêcher le pays de tirer pleinement parti des énergies renouvelables alors qu’elles deviennent de plus en plus attrayantes.
Guinée : évaluation actualisée de l’impact de la pandémie de coronavirus sur le secteur extractif et la gouvernance des ressources
Ce document fait partie d’une série d’analyses par pays produites par NRGI pour résumer la situation en ce qui concerne la pandémie et ses impacts économiques. L’analyse qu’il contient est susceptible de changer en fonction de l’évolution de cette situation et sera mise à jour en temps utile.
Messages clés
- Soutenue par un secteur minier dynamique, l’économie guinéenne a fait preuve d’une résilience inattendue face à la pandémie de coronavirus.
- Le FMI anticipe que la croissance économique et le niveau d’endettement de la Guinée resteront stables. Toutefois, le gouvernement doit se préparer à des demandes de soutien des entreprises et se prémunir du « nivellement par le bas ».
- Le gouvernement a été bien inspiré d’accroître la transparence sur ses prêts adossés aux ressources, et pourrait envisager des renégociations avec la Chine.
- Le gouvernement guinéen devrait envisager de lisser sur plusieurs années les dépenses importantes actuelles issues des fonds miniers de développement local.
- Le code minier guinéen contient de solides dispositions en matière de transparence et de redevabilité, mais la pandémie et d’autres crises sont susceptibles d’altérer le rôle des acteurs de la société civile et les performances de la Guinée dans la gouvernance minière.
Aperçu de l’impact économique de la pandémie de coronavirus
Soutenue par un secteur minier dynamique, l’économie guinéenne a fait preuve d’une résilience inattendue face à la pandémie de coronavirus. Toutefois, malgré l’augmentation continue des exportations minières en 2020 -comme au cours des cinq dernières années-, les revenus du gouvernement et des entreprises n’ont pas reflété cette croissance, notamment en raison de la baisse des prix de la bauxite. En outre, le secteur non minier a été considérablement touché par la pandémie et les restrictions de déplacements qui en découlent. D’après les cinquième et sixième revues de la Guinée menées par le Fonds monétaire international (FMI), et publiées en décembre 2020, la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel atteindrait 5,2 % en 2020 (contre 2,9 % estimée en avril 2020), mais l’activité non minière progresserait uniquement de 2,4 %, soit environ la moitié des prévisions avant la pandémie. Le FMI prévoit un maintien de la progression du PIB réel à 5,5 % en 2021 et à 5,2 % en 2022, toujours soutenu par le secteur minier.
Le plan de réponse du gouvernement au coronavirus, estimé à 1,8% du PIB (env. 275 millions USD), a été soutenu par la Banque centrale guinéenne (BCRG), la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et le FMI. Depuis 2017, le pays bénéficie d’une facilité élargie de crédit (FEC) du FMI à hauteur de 170 millions USD sur trois ans. Cet appui a permis au pays de gérer plus durablement ses finances publiques, notamment sa dette. Le 9 décembre 2020, la Guinée en a reçu le dernier versement, de 49 millions USD. Le gouvernement s'est engagé à accélérer la mise en œuvre de sa stratégie de mobilisation des recettes, notamment l'application intégrale du code minier, afin que la Guinée puisse dûment bénéficier de ses richesses minières. Au moment de la rédaction de la présente note, le renouvellement de la FEC n’était pas à l’ordre du jour. La Guinée a également bénéficié d'un soutien de 22,3 millions USD de la part du Fonds fiduciaire d'assistance et de riposte aux catastrophes du FMI en avril 2020, et le Conseil d'administration du FMI a approuvé une facilité de crédit rapide de 148 millions USD en juillet 2020 pour répondre aux besoins urgents de financement de la balance des paiements et du déficit de recettes publiques découlant de la pandémie. Ces appuis permettent notamment d'augmenter les dépenses relatives à la santé, de protéger les personnes les plus vulnérables à la crise, et de soutenir le secteur privé.
Selon les estimations du FMI, la dette publique atteindra 43,2 % du PIB en 2021 et se stabilisera à 40,4 % en 2025. Une réduction significative des revenus miniers de la Guinée peut toutefois avoir une incidence sur cette prévision. Dans l’ensemble, la Guinée compte sur des emprunts concessionnels, car le pays dispose d’une faible capacité à s’endetter davantage (le FMI et la Banque mondiale recommandent de ne pas dépasser le ratio dette publique/PIB actuel). Les réserves de change de la Banque centrale sont limitées (trois à quatre mois d’importations), soulignant la vulnérabilité à toute baisse significative des exportations (d’après les données de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), le secteur minier représente 79 % des exportations). Par ailleurs, les ministres en lien direct avec le secteur minier (Mines et Géologie, Budget, Administration du territoire et Décentralisation, Économie et Finances) ont conservé leur portefeuille à la suite du remaniement du gouvernement de janvier 2021.
Impact sur le secteur minier
Le secteur guinéen de la bauxite est habituellement très rentable, car le processus de production est peu complexe et sa teneur en minerai est l’une des plus élevées au monde (jusqu’à 49 % contre les 40 % standard). Les principaux coûts de production sont liés au transport depuis les sites miniers jusqu’aux ports, et jusqu’à présent, la pandémie de coronavirus n’a pas significativement affecté cette chaîne de valeur dans le pays. Les statistiques publiées en février 2021 par le ministère des Mines et de la Géologie pour l’année 2020 confirment que les exportations de bauxite ont continué d’augmenter. Le taux de croissance (24 %) s’est avéré même plus élevé qu’en 2019 (14 %) et 2018 (19 %). Les exportations d’or ont quant à elles bondi de 233 % en 2020, en raison de l’envolée des exportations d’or artisanal (plus 465 %) résultant probablement des restrictions de déplacements (induites par la pandémie et les élections) qui ont réorienté les flux de l’or artisanal vers des canaux plus formels.
Dans le cadre de l’engagement du gouvernement pour la diversification des produits miniers, la Guinée a signé en juin 2020 un accord avec SMB Winning portant sur les blocs 1 et 2 du gisement de fer de Simandou, et a accueilli de nouveaux acteurs dans la production industrielle de l’or, notamment Hummingbird et Sycamore Mining. Le ministère des Mines prévoit un maintien de la croissance de la production de bauxite, qui continuera à nourrir les ambitions de la Guinée de devenir le premier producteur mondial d’ici quelques années. Toutefois, l’assouplissement des restrictions des déplacements au quatrième trimestre de 2020 a entraîné une baisse des exportations d’or, ce qui est susceptible d’altérer les performances exceptionnelles observées depuis le début de la pandémie. La tendance à la baisse du prix de l’aluminium (moins 7 % en 2020 par rapport à 2019) continuera probablement à affecter les prix, puis peut-être la demande de bauxite. Si ce scénario venait à se confirmer en 2021, un ralentissement de la production et des exportations de bauxite guinéenne serait à redouter, ainsi que le risque qu’une partie des 13 539 personnes directement employées dans le secteur se retrouve au chômage.
Deux facteurs sont susceptibles d’atténuer les effets de la baisse des prix et de la demande de bauxite sur les recettes publiques en cas de persistance de la pandémie : le maintien de la reprise de l’activité économique en Chine (principal client de la Guinée) ; et le maintien de la tendance à la hausse du prix de l’or (plus 28 % en 2020 par rapport à 2019), associé à des niveaux exceptionnels d’exportation d’or guinéen.
Impact sur les recettes de l’Etat
Les recettes minières représentent 31 % des recettes publiques (selon le rapport ITIE de 2018), et la bauxite correspond à 62 % des recettes minières contre 22 % pour l’or. La vulnérabilité de la Guinée à une baisse des revenus provenant de la bauxite est aggravée par les répercussions de la crise liée au coronavirus sur d’autres secteurs de l’économie. En septembre 2020, le ministère guinéen du Budget avait perçu seulement 61 % des recettes minières attendues et, en mars 2021, les médias faisaient état de la détresse financière présumée de certaines sociétés minières en raison de la baisse des prix de la bauxite. Cependant, le secteur privé minier n’a pas encore ouvertement présenté de demande de soutien de l’Etat ou de modification des conditions d’investissement. À l’occasion de l’Assemblée générale ordinaire de la Chambre des Mines du 13 décembre 2020, le ministre des Mines a salué la résilience des entreprises minières et les efforts exceptionnels qu’elles ont déployés pour préserver la santé de leurs employés, et pour soutenir les efforts des communautés et du gouvernement. Cependant, une détérioration de la situation financière des entreprises conduirait ces dernières probablement à solliciter des incitations fiscales ou un assouplissement des normes applicables au secteur. Elles pourraient également se résoudre à réduire ou suspendre unilatéralement leur production, mettant ainsi en péril les recettes publiques et les emplois.
Par ailleurs, les revenus miniers alloués aux municipalités représentent moins de 5 % de l’ensemble des revenus du secteur. Cependant, depuis l’entrée en vigueur en 2019 des dispositions du code minier 2011/2013 relatives aux fonds miniers de développement local (Fonds de développement économique local (FODEL) et Fonds national de développement local (FNDL)), ces paiements et transferts infranationaux ont considérablement augmenté. Selon les données officielles, en 2020, les entreprises ont versé 199 milliards GNF (20 millions USD) aux municipalités minières dans le cadre du FODEL. Pour le FNDL, le gouvernement a transféré 225 milliards GNF (22 millions USD) à l’ensemble des municipalités. Une réduction de l’activité minière affecterait ces fonds, avec un décalage d’un an. En effet, le FODEL dépend du chiffre d’affaires des sociétés minières, et le FNDL de la quantité de matériaux que les mines produisent et exportent ainsi que du prix de l’aluminium. Dans les deux cas, les paiements sont effectués aux municipalités l’année suivante. En outre, les montants annuels transférés au titre du FNDL (prévision de 362 milliards GNF pour 2021) apparaissent particulièrement élevés par rapport aux estimations fondées sur l’article 165 du code minier qui énonce la formule de calcul. Ce constat suggère que la Guinée pourrait être en train de budgétiser au-delà des provisions réelles du FNDL, ce qui pourrait mettre le gouvernement dans l’incapacité de répondre aux attentes des collectivités locales à l’avenir, surtout si les effets de la crise sanitaire devaient se prolonger.
Un autre facteur susceptible d’altérer les recettes futures concerne la ligne de crédit de 20 milliards USD sur 20 ans que la Guinée a contractée auprès de la Chine en 2017. Le gouvernement a divulgué des informations sur les deux prêts adossés aux ressources déjà tirés en 2018 de cette ligne. Ces deux prêts, d’un montant respectif de 329 millions EUR et de 186 millions EUR, sont assortis d’une période de grâce de quatre ans. Le remboursement qui s’appuie sur les redevances provenant de la production de trois sociétés minières chinoises est donc censé commencer en 2022, date de livraison des infrastructures que ces prêts ont servi à financer (à noter que les infrastructures sont réalisées par d’autres entreprises chinoises). En raison du ralentissement de ces travaux d’infrastructures à la suite des restrictions de déplacements, ainsi que des répercussions de la pandémie sur les recettes minières publiques, il est peu probable que le plan de remboursement soit respecté.
Impact sur la gouvernance des ressources minières
Le gouvernement s’est toujours engagé à respecter le code minier. La Guinée intéresse les investisseurs en raison de ses réserves exceptionnelles en bauxite, en fer et en ressources stratégiques comme le graphite, de la haute teneur de ses matériaux, ainsi que de son code minier de 2011/2013. Par conséquent, le gouvernement est normalement peu enclin à accorder des dérogations aux investisseurs, sauf lorsqu’il s’agit de projets intégrés comprenant notamment infrastructures et raffineries. En outre, le soutien du FMI à la Guinée repose sur l’hypothèse que le gouvernement se conforme aux dispositions du code minier.
La pandémie de coronavirus et, depuis février 2021, la crise Ebola, qui suit de près la crise électorale en Guinée, risquent de pousser le gouvernement à se concentrer sur les défis urgents et immédiats, laissant peu de place au plaidoyer de la société civile en vue de la transparence et de la redevabilité. Après un bref répit entre septembre 2020 et février 2021, les acteurs de la société civile sont à nouveau, comme d’autres acteurs et comme dans d’autres pays, soumis à des restrictions de mouvements et des mesures de distanciation sociale qui affectent directement leurs activités habituelles de consultations, de formation et de plaidoyer.
La pandémie peut également avoir des répercussions sur la mise en œuvre de l’ITIE par la Guinée, une norme mondiale veillant à la bonne gouvernance des ressources pétrolières, gazières et minières. En juillet 2020, la société civile du secteur minier a adopté un nouveau code de conduite qui réduit les conflits d’intérêts, et renforce la redevabilité des organisations de la société civile elles-mêmes, ainsi que la participation des femmes et des jeunes au processus ITIE en Guinée. Pour la première fois, ces organisations ont désigné librement leurs nouveaux représentants en septembre 2020 au sein de l’ITIE Guinée en vue d’un mandat de trois ans, en application du nouveau code de conduite. Ces nouveaux représentants ont pour ambition de contribuer à engager le processus ITIE en Guinée dans un rôle plus réformateur et plus efficace. Le gouvernement a publié le rapport ITIE 2018 en décembre 2020, avec un retard de six mois par rapport à son calendrier habituel. Ce rapport, qui porte sur les paiements reçus des entreprises minières en 2018, contient des enseignements intéressants sur l’état de la gouvernance minière en 2020. L’évaluation par l’ITIE (dite Validation) de la Guinée, qui devait commencer en août 2020, a été reportée deux fois, et est à présent prévue pour juillet 2021. Les concertations régulières du groupe multipartite de l’ITIE Guinée ont repris depuis janvier 2021, et l’élaboration du rapport ITIE 2019 constitue l’un des défis auxquels le groupe est déjà confronté. Enfin, en 2020, le gouvernement a adopté le décret d’application de la loi de 2017 sur la corruption relative au régime de déclaration des actifs des hauts fonctionnaires et à la protection des dénonciateurs et victimes, une des exigences du programme du pays avec le FMI.
Perspectives d’avenir
Les activités du secteur minier en Guinée n’ont pratiquement pas été troublées en 2020, mais, compte tenu de la baisse des prix de la bauxite, la situation est différente en ce qui concerne les recettes publiques et la situation financière des entreprises. Les campagnes de vaccination en Guinée, y compris contre Ebola, sont en cours, mais les effets de la pandémie pourraient persister. Cette situation, associée à un ralentissement potentiel de l’économie mondiale, notamment en Chine, est une menace pour le secteur minier guinéen.
Alors que les effets de la pandémie de coronavirus se répercutent sur l’économie guinéenne, le gouvernement pourrait envisager diverses mesures dans le secteur minier. Une plus grande transparence au cours de cette période reste nécessaire pour permettre à toutes les parties prenantes de mieux comprendre et soutenir les réponses du gouvernement aux impacts de la pandémie sur le secteur minier. Alors que quelques sociétés minières présentent des signes de détresse financière, le gouvernement devra être attentif à divers risques, notamment celui d’un « nivellement par le bas », lorsqu’il fera face à demandes de soutien des entreprises et à d’éventuelles décisions de réduire ou de suspendre la production.
Le gouvernement pourrait envisager une revue de ses deux prêts adossés aux ressources. Grâce à la publication des conditions de ces accords en 2020, le gouvernement a créé les conditions pour que l’ensemble des parties prenantes contribue utilement à la réflexion et au débat. Une telle révision peut être justifiée au regard des retards attendus dans la livraison des infrastructures, du risque de baisse des revenus miniers, et du fait que la Chine envisage de rééchelonner la dette de divers pays en réponse aux effets de la pandémie.
Le gouvernement doit également anticiper l’impact négatif sur les paiements et transferts infranationaux sur les fonds miniers de développement local FODEL et FNDL. Il peut envisager d’ajuster les dépenses des recettes minières en amorçant des négociations avec les municipalités et en indiquant clairement que les allocations sont susceptibles de diminuer considérablement à partir de 2022. L’identification de solutions structurelles au risque de dépendance des municipalités guinéennes vis-à-vis des revenus miniers constitue un enjeu majeur, et le gouvernement pourrait davantage affiner et communiquer sur ses plans. Ces plans relatifs aux municipalités peuvent inclure des mesures de discipline budgétaire, des incitations à collecter davantage de revenus non miniers et l’orientation de l’assistance technique aux communes vers la multiplication de projets générateurs de revenus dans d’autres secteurs afin de diversifier l’économie nationale à partir des communes, et de renforcer la résilience d’une population que la pandémie a rendue économiquement plus vulnérable.
Enfin, pour préserver les acquis de la Guinée en matière de gouvernance minière, le gouvernement peut rendre les processus de bonne gouvernance plus résilients. Par exemple, il pourrait étudier la création de forums innovants en ligne en vue de la communication et de la consultation périodique avec les parties prenantes du secteur minier. Il pourrait également étendre la digitalisation de l’administration minière en mettant à jour les sites Web officiels et en fournissant des informations en temps réel sur l’activité minière et les réponses du gouvernement, comme le recommande l’ITIE avec les mécanismes flexibles de déclarations, en adaptation à la pandémie.
Hervé Lado est le responsable pays pour Natural Resource Governance Institute en Guinée.
Revenus du secteur minier de la RDC : Améliorer la redevabilité par l’analyse des rapports sur les paiements aux gouvernements
Dix entreprises minières internationales ont versé des paiements de plus de deux milliards USD à des entités gouvernementales de la République démocratique du Congo (RDC) depuis 2015 selon ces déclarations. En tant qu’une première exploration compréhensive sur ces données, le présent rapport tire des six études de cas des projets miniers couvert dans les données PaG et discute les résultats des recherches sur les éléments suivants :
- les tendances des paiements en vertu des impôts et redevances augmentées par le code minier révisé du 2018 et paiements parafiscaux en dehors du code minier en particulier pour les entreprises publiques (EP),
- la mise en œuvre des paiements pour le développement local en cours,
- la complexité accrue de la façon dont les revenus des entreprises minières transitent par les finances publiques de la RDC,
- les ventes d’actifs miniers par le gouvernement et les entreprises publiques, et
- l’état de lieu de la divulgation des contrats miniers, nécessaire pour une redevabilité complète des paiements perçus par les entités gouvernementales de la RDC, en particulier les entreprises publiques.
En fournissant des données à jour sur les paiements, les rapports PaG appuient les efforts d’améliorer la redevabilité des entreprises et des gouvernements envers les citoyens concernant les paiements du secteur minier en RDC. Cela est essentielle pour garantir que le secteur minier améliore la qualité de vie des citoyens congolaises et que RDC bénéficie de ses dotations en minéraux nécessaires à la transition énergétique mondiale. Le rapport fournit des recommandations à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) de la RDC, les autorités congolaises et la société civile pour l’exploitation des rapports PaG dans son travail.
Pour que les rapports PaG soient les plus utiles possibles à ces fins, le rapport élabore des recommandations aux entreprises déclarantes et les organismes de réglementation de l’UE, du Canada et du Royaume-Uni améliorent leur qualité pour l’amélioration de leur couverture et leur pertinence contextuelle à la lumière du régime fiscal et parafiscal de la RDC.
République démocratique du Congo (RDC) : évaluation actualisée de l’impact de la pandémie de coronavirus sur le secteur extractif et la gouvernance des ressources
Ce document fait partie d’une série d’analyses par pays produites par NRGI pour résumer la situation en ce qui concerne la pandémie et ses impacts économiques. L’analyse qu’il contient est susceptible de changer en fonction de l’évolution de cette situation et sera mise à jour en temps utile.
Messages clés
- La pandémie de coronavirus a aggravé la situation économique déjà précaire de la RDC. La priorité du gouvernement a été d’obtenir un allègement de la dette et de nouveaux prêts.
- La production minière a été moins gravement touchée par la pandémie que prévuinitialement. En 2020, les recettes du gouvernement de la RDC provenant de l’exploitation minière seront toutefois inférieures aux prévisions des autorités. Cela est dû à une combinaison de facteurs, notamment des estimations initiales irréalistes, la chute des prix de nombreux minéraux en raison de la pandémie au début de 2020 et les restrictions de mouvement qui ont entraîné une baisse des exportations.
- Le Fonds monétaire international a demandé au gouvernement de la RDC de faire preuve de la plus grande transparence s’agissant de ses contrats miniers pour pouvoir accéder à tout nouveau programme d’aide.
Aperçu de l’impact économique de la pandémie de coronavirus
La RDC était déjà dans une situation économique précaire lorsque la pandémie de coronavirus et ses impacts économiques ont frappé le pays en mars. Début avril, les réserves monétaires de la Banque centrale du Congo s’élevaient à 693 millions de dollars, soit l’équivalent d’à peine deux semaines d’importations.
Le gouvernement a réduit ses prévisions de croissance pour 2020 à 1 %, contre 4 % initialement. Le Fonds monétaire international (FMI) a toutefois déclaré que la pandémie aura un impact économique et social considérable sur le pays et il prévoit une contraction de l’économie de la RDC de 2,2 % en 2020, alors qu’il tablait sur une croissance de 3,9 % avant la pandémie.
L’ensemble des recettes provenant du secteur extractif du pays est utilisé chaque année, de sorte que la RDC ne dispose pas d’économies provenant des revenus extractifs dans lesquelles elle pourrait puiser. La priorité du gouvernement a été d’obtenir un allègement de la dette et de nouveaux prêts, notamment de la Banque mondiale, du FMI et de la Banque africaine de développement. En avril, le FMI a approuvé une facilité de crédit de 363,3 millions de dollars américains. Le gouvernement a également négocié un accord de programme de trois ans avec le FMI, qui permettrait de fournir une aide financière plus importante au gouvernement. Le programme vise à soutenir la mise en œuvre de mesures et de réformes destinées à renforcer la stabilité macroéconomique et la gouvernance, et à lutter contre la pauvreté généralisée. Cependant, les discussions ont été prolongées, le FMI faisant pression pour une plus grande transparence des contrats du secteur extractif. En avril 2020, la Banque mondiale a fourni à la RDC 47 millions de dollars américains pour soutenir la réponse du pays à la pandémie.
En juillet, le président Felix Tshisekedi a mis fin à l’état d’urgence instauré en mars, et le pays a commencé à rouvrir progressivement les entreprises et les frontières.
En octobre, le gouvernement a confirmé que le budget 2020 avait été révisé à la baisse, passant de 11 à 5,7 milliards de dollars américains. Le budget initial avait été jugé irréaliste avant même le début de la pandémie de coronavirus. Le budget 2021 a été fixé à 6,8 milliards de dollars américains, une décision du gouvernement qui relève en partie de la pression du FMI en faveur d’un budget crédible.
Impact sur le secteur minier
La fin des restrictions liées à la pandémie a facilité le retour à la normale des opérations sur les sites miniers. Certaines mines avaient confiné les travailleurs sur leur site au début des mesures d’endiguement, une pratique qui a suscité les critiques des acteurs de la société civile. En juillet, le ministre du Travail a donné un mois aux entreprises pour mettre fin à cette pratique.
La pandémie semble avoir affecté le secteur minier de la RDC moins gravement que prévu. La production de cuivre a défié les prévisions de baisse de production liées à la pandémie, la demande ayant été stimulée par la reprise économique de la Chine. Selon la Banque centrale de la RDC, les sociétés minières ont produit 1 041 445 tonnes de cuivre et 51 235 tonnes de cobalt entre janvier et août 2020, deux volumes supérieurs à ceux enregistrés pour la même période en 2019. La production de cuivre a augmenté de plus de 13 %. D’autres sources font cependant état d’une situation différente, notamment S&P Global Market Intelligence qui prévoit que la production totale de cuivre et de cobalt de la RDC en 2020 diminuera de 12 % et 11 %, respectivement, par rapport aux niveaux de 2019.
En août, Ivanhoe a confirmé que le développement de sa mine de cuivre de Kakula continuait à dépasser les attentes, la production initiale étant prévue pour le troisième trimestre 2021. D’autres exploitants miniers ont également rapporté des nouvelles positives. En octobre, China Molybdenum, qui exploite la mine de Tenke Fungurume, a fait état d’une augmentation de 21,2 % de la production de cobalt au troisième trimestre 2020 par rapport au trimestre précédent, et l’entreprise est donc à nouveau en mesure d’atteindre son objectif de production pour l’ensemble de l’année. La production de cuivre à Tenke Fungurume a également augmenté, la production du troisième trimestre étant en hausse de 19,6 % par rapport à la même période en 2019.
Dans le secteur de l’or, la mine Kibali a dépassé la production de 2019 (750 000 onces) avec une production record de 814 027 onces d’or.
Impact sur les revenus du secteur extractif
La RDC dépend largement de l’exploitation minière pour ses devises étrangères. Le secteur minier représente environ 30 % du PIB et, selon les données du FMI, il a contribué a plus de 90 % aux exportations totales au cours des cinq dernières années.
Le budget initial de la RDC pour 2020 prévoyait 2,4 milliards de dollars de recettes provenant du secteur extractif, dont 2,15 milliards de dollars du secteur minier et 262 millions de dollars du secteur pétrolier. Cependant, les recettes du secteur extractif seront moins élevées (à titre de comparaison, les recettes publiques du secteur en 2018 s’élevaient à 1,5 milliard de dollars). En juin, le ministre des Mines a prévu une baisse de 20 % des recettes minières en 2020, en raison de la pandémie et des retards dans certains projets. Comme indiqué ci-dessus, si la pandémie ne semble pas avoir affecté de manière significative la production des principaux minéraux, la baisse des prix liée à la pandémie pour plusieurs minéraux clés au début de 2020 pourrait réduire les recettes. Les restrictions qui ont limité les exportations, en particulier la fermeture du port de Durban en Afrique du Sud, pourraient également avoir un effet négatif. En particulier, au cours des cinq premiers mois de 2020, les prix internationaux du cuivre ont été en moyenne inférieurs d’environ 13 % à ceux de la même période en 2019, tandis que les prix du cobalt étaient inférieurs d’environ 8 à 9 % (selon le point de référence utilisé). Depuis lors, les prix se sont sensiblement redressés - pour l’année en cours, le cuivre a atteint son plus haut niveau depuis sept ans à 3,33 dollars la livre, tandis que le prix du cobalt est inférieur de 6 %. Le prix de l’or a connu une hausse de 27 %.
Dans le court terme, la pandémie pourrait affecter plus directement les droits de douane, qui sont, selon une étude du NRGI en cours, la contribution la plus importante du secteur minier au budget de l’État.
Impact sur le gouvernance des ressources naturelles
Le processus de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en RDC est confronté à des défis structurels et financiers. L’ITIE est une norme mondiale de bonne gouvernance pour le pétrole, le gaz et les minéraux, et en octobre 2019, le Conseil international de l’ITIE a donné à la RDC 18 mois pour mettre en œuvre treize « actions correctives ». En juillet 2020, un nouveau coordonnateur de l’ITIE a été nommé par décret présidentiel et le Groupe multipartite de l’ITIE a adopté une feuille de route listant ses priorités pour 2020. Cependant, malgré ces actions positives, le processus ITIE manque de fonds nécessaires pour mettre en œuvre cette feuille de route 2020.
Pour faire face aux contraintes financières, les sociétés minières participant au processus ITIE se sont engagées à fournir 40 % du budget du groupe multipartite. Les 60 % restants devraient provenir du gouvernement et des donateurs. Cependant, cela n’a pas été le cas. Les donateurs sont désireux de soutenir le processus ITIE en RDC et exigent un signal du gouvernement qui démontre son engagement, notamment la signature d’une série de décrets, dont un sur la propriété réelle et le décret ITIE révisé. Le projet de décret sur la propriété réelle et ceux concernant l’ITIE sont en suspens depuis plus d’un an.
Au-delà de l’ITIE, la RDC continue de faire face à une série de défis de gouvernance en relation avec le secteur extractif. Le refus du gouvernement actuel de se conformer aux exigences de divulgation de tous les contrats liés à l’exploitation minière est devenu un problème dans les négociations entre a RDC avec le FMI pour un nouveau programme de trois ans. Le nouveau gouvernement maintient qu’il n’est responsable que de la publication des contrats conclus depuis son arrivée au pouvoir en 2019. Cette position va à l’encontre d’un décret de 2011 qui a rendu obligatoire pour la RDC la publication de tous les contrats d’exploration ou d’exploitation dans les domaines minier, pétrolier et forestier dans les 60 jours suivant leur signature. Les dispositions de 2011 sont réitérées dans la loi sur les hydrocarbures de 2015 et le Code minier de 2018. Malgré cela, en septembre, le gouvernement congolais, lors des négociations avec le FMI, a réitéré sa décision de ne pas publier tous les contrats extractifs manquants. Cependant, la question de la transparence des contrats a été une fois de plus au centre des préoccupations lorsque, en octobre, l’entreprise publique minière La Gécamines a publié un accord datant de 2017 qui donne à l’homme d’affaires controversé Dan Gertler le droit de percevoir des royalties sur l’un des plus grands projets de cobalt au monde.
À l’avenir
En mars, le gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer un plan de relance. Le groupe de travail n’a pas encore fait de rapport public.
Le pays espère profiter de la reprise de la demande et des prix des minéraux. Toutefois, sans une meilleure gestion du secteur minier, celui-ci risque de ne pas réaliser pleinement les revenus potentiels. Les réformes de la gouvernance dans le domaine des industries extractives restent impératives pour l’avenir économique de la RDC. Parmi les plus critiques, l’on peut citer la réforme des entreprises extractives publiques comme la Gécamines, en particulier compte tenu de leur rôle dans la gestion du secteur minier et la collecte des recettes, et conformément aux recommandations du FMI de septembre 2019. Un renforcement significatif de la transparence dans le secteur sera nécessaire pour aider à éradiquer la corruption. Alors que le FMI et les autres bailleurs de fonds s’engagent et soutiennent la RDC pour faire face à l’impact de la pandémie de coronavirus, ils devraient accorder une priorité élevée à la mise en œuvre de telles réformes.
Jean Pierre Okenda est le directeur pays de l’Institut pour la gouvernance des ressources naturelles (NRGI) en RDC.
Fiscalité pétrolière et gazière pendant et après la pandémie: risques de nivellement précipité par le bas
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Au début de cette année, alors que le monde entier tentait de réagir face à la pandémie de coronavirus, la demande de pétrole s’est brutalement effondrée. Dans le même temps, l’OPEP et la Russie n’ont guère réussi à s’accorder sur une réduction coordonnée de l’approvisionnement. En conséquence, le prix du baril de pétrole Brent a dégringolé, de 60 USD en décembre 2019 à 20 USD en avril 2020. À la date de la présente publication, il est de 43 USD.
Si les prix restent bas, et si les dirigeants pétroliers pensent que cette tendance à la baisse se maintiendra, il se peut que les compagnies fassent pression sur les gouvernements pour qu’ils réduisent les taxes et d’autres réglementations grevant onéreusement leurs finances. Les versements en taxes et impôts entraînent souvent des charges lourdes pour les entreprises, de sorte que les États pourraient être contraints de les réduire afin de garantir la viabilité des projets.
Questions clés
- Quelle sera la prochaine évolution des prix du pétrole ?
- Quel est l’impact sur les projets en cours, les projets non encore développés et les réserves qui restent à découvrir ?
- Comment les gouvernements devraient-ils réagir et modifier leur taxation des secteurs du pétrole et du gaz ?Les gouvernements essaieront-ils de « courir en descente », mais perdront-ils ensuite la course à la montée ?
- Il n’y a aucune certitude quant à l’évolution future des prix. Une certaine hausse est probable dans les prochaines années, même si la transition énergétique conduira à une baisse structurelle du prix du pétrole à plus long terme. Les États doivent tenir compte du climat d’incertitude et de cette hausse probable lorsqu’ils décident du régime de taxation du pétrole et du gaz.
- Les allégements fiscaux applicables à la plupart des projets en cours sont vraisemblablement un gaspillage de l’argent public.
- Certains gouvernements pourraient être contraints de réduire la charge fiscale pesant sur les projets en attente de nouveaux développements. Mais ils doivent savoir quels projets resteront viables avec des charges moins lourdes et lesquels ne doivent pas bénéficier d’un allégement fiscal.
- En cas de doute, les gouvernements doivent considérer si un projet nécessitant des incitations fiscales apportera réellement une valeur ajoutée au pays. Dans la plupart des cas, eu égard à la production totale d’hydrocarbures, la part des projets pouvant être retardés ou annulés demeure faible. Toutefois, ce n’est pas le cas pour les « nouveaux pays producteurs » comme le Sénégal et la Guyane.
- Une réforme de la fiscalité afin de rendre un pays plus attractif n’a véritablement de sens qu’avant l’arrivée des entreprises qui veulent investir (par exemple, pour attirer plus d’investissements au moment des procédures d’octroi de licences).
- Mais baisser les taxes maintenant pourrait obliger un État à les augmenter plus tard si les prix sont de nouveau à la hausse.
- Si un allègement fiscal s’impose, les États pourraient alors introduire une « clause de caducité » pour en limiter la durée.
- Dans l’idéal, les États devraient mettre en place des régimes fiscaux progressifs, en fonction de la fluctuation des bénéfices.
- Mais étant donné que de nombreuses autorités fiscales ont du mal à mesurer les bénéfices, les États pourraient s’orienter vers des régimes fiscaux simplifiés, basés sur le chiffre d’affaires ou les prix, tout en restant prêts à modifier les taux d’imposition à l'avenir, et à accepter les répercussions de toute politique fiscale sur leur crédibilité aux yeux des investisseurs.
- Les autorités doivent aussi être disposées à divulguer les clauses contractuelles détaillant les modifications et les exonérations fiscales, les incitations et les prix estimés du seuil de rentabilité des projets afin d’aider les organes de contrôle des comptes publics, les groupes de réflexion locaux et le public à vérifier et le cas échéant à soutenir les décisions de politique fiscale.
Les dessous des projets extractifs : Pour un suivi des fournisseurs de biens et services du secteur
Les grands projets pétroliers, gaziers et miniers sont généralement associés à quelques grands noms tels que Shell, Exxon, Rio Tinto, Gazprom et Codelco. Ce sont là des titulaires de droits, c’est-à-dire des entreprises à qui les gouvernements hôtes confient des licences pour l’extraction des ressources. Cependant, ce sont généralement les entreprises les moins connues qui font le plus gros du travail pour extraire les ressources du sol. Il s’agit des fournisseurs ou des sous-traitants - ces entreprises qui fournissent les biens et les services qui permettent l’extraction. Leur taille va de conglomérats internationaux de plusieurs milliards de dollars comme Halliburton, Schlumberger et Caterpillar, à des entreprises spécialisées ou locales qui peuvent ne compter qu’une poignée d’employés.
Le présent rapport plaide en faveur d’un suivi accru des fournisseurs du secteur extractif. Il explique l’importance économique de la sous-traitance dans le secteur et identifie les principales parties prenantes impliquées dans la gestion des fournisseurs. Par la suite, il examine les domaines stratégiques sur lesquels les effets d’une mauvaise gestion des fournisseurs peuvent notamment avoir un impact. Il considère également la manière dont les gouvernements, les titulaires de droits, les sociétés d’État et les fournisseurs commencent à partager des informations sur les impacts économiques de la sous-traitance, sur la manière dont ces divulgations s’inscrivent dans les initiatives mondiales de transparence et d’information, et sur les pistes pour aller plus loin.
Messages clés :
- Entre 2008 et 2017, les entreprises titulaires de droits d’extraction de produits pétroliers, gaziers et miniers ont dépensé en moyenne un peu moins de mille milliards de dollars par an auprès de ces fournisseurs. Même si ce chiffre diminue en 2020 en raison de la pandémie de coronavirus, les dépenses liées à ces biens et services resteront l’un des principaux flux financiers des projets extractifs.
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Sans des systèmes de gestion interne efficaces et un solide suivi externe, une mauvaise gouvernance relative à ces fournisseurs peut conduire à :
- Des dépassements de coûts qui sapent les bénéfices des entreprises et les recettes de l’État ;
- Une imposition non optimale des bénéfices des fournisseurs, entraînant une perte de recettes fiscales ;
- Des systèmes d’approvisionnement locaux qui ne procurent pas les avantages économiques escomptés aux pays ou aux communautés d’accueil ;
- Des risques de corruption, notamment sous la forme de versements de pots-de-vin, de favoritisme et allant même jusqu’à la captation de l’État. - La transparence peut contribuer à renforcer le suivi des fournisseurs. En particulier, le secteur privé, les entreprises publiques et les gouvernements hôtes doivent rendre publics les processus de passation de marchés, l’identité des fournisseurs, les dépenses relatives aux fournisseurs et la fiscalité applicable à ces derniers.
- Un certain nombre de normes mondiales et de pratiques de divulgation ad hoc constituent un socle utile sur lequel les parties prenantes du secteur extractif peuvent s’appuyer pour faire progresser la transparence sur les fournisseurs. A cet effet, il est essentiel d’engager les sous-traitants dans des discussions sur la transparence.
- La pandémie de coronavirus, la baisse des prix des matières premières et le ralentissement économique mondial perturbent de manière conjointe les chaînes d’approvisionnement des projets. Cela incite les gouvernements et le secteur privé à améliorer d’urgence la résilience de la chaîne d’approvisionnement et à réduire les coûts de production. Dans ce moment de transition importante, les gouvernements, le secteur privé et la société civile devraient plus que jamais renforcer le suivi du rôle que jouent les sous-traitants dans les projets extractifs.
Photo : Sebastian Pichler
Code des hydrocarbures Tunisien : Adaptation du processus d’octroi des permis aux bonnes pratiques internationales
L'analyse du processus actuel d'octroi des titres d'hydrocarbures en Tunisie montre qu'il existe des défaillances en termes de transparence. Ces défaillances sont inhérentes au modèle choisi par la Tunisie en la matière, à savoir le système connu de « la porte ouverte ». Malgré les efforts fournis par le ministère chargé de l’énergie visant à introduire de la concurrence, jusqu’à présent pratiquement absente, ces tentatives ont rendu le processus ambigu, la procédure semblant dispersée entre plusieurs sources.
De même, le système tunisien se caractérise par son opacité, l’un des traits du modèle de la porte ouverte. En effet, le code des hydrocarbures et ses textes d’application n’exigent pas la publication des informations et des documents expliquant les raisons des différentes décisions d’octroi, ainsi que leurs résultats (comme les contrats, les listes de compagnies, etc.).
Afin de pallier ces insuffisances, la Tunisie peut s’inspirer des bonnes pratiques et des standards internationaux qui préconisent le recours à la transparence et à la concurrence dans les circonstances adéquates en matière d’attribution des titres pétroliers et gaziers. Les bonnes pratiques liées à la transparence dans le processus d’attribution sont résumées dans la nouvelle norme « Open Contracting » que la Tunisie s’est engagée à appliquer dans son plan d’action national OGP 2018-2020. Cette norme peut amplement inspirer le pays lors du processus d’attribution des titres d’hydrocarbures, depuis la promotion des blocs non encore attribués jusqu’à l’exécution des engagements pris en vertu des documents signés et des titres accordés, en passant par la négociation/l’attribution.
Nous recommandons, sur la base de cette norme, de clarifier les règles du jeu et de combler le vide législatif qui existe au niveau de la délimitation des blocs non encore attribués, ainsi qu’au niveau des étapes précédant le dépôt de la demande officielle. La clarification des confusions qui existent quant au rôle joué par l’autorité concédante et celui de l’entreprise nationale constitue un élément essentiel à prendre en considération pour garantir une procédure transparente. En plus de clarifier les règles du jeu et des rôles, il est nécessaire d’incorporer des normes de transparence dans le code et les textes d’application afin de garantir la pérennité du processus de publication des données, qui ne doit plus dépendre du bon vouloir des pouvoirs politiques.
Pour que la transparence soit vraiment efficace et porte ses fruits, il faut qu’elle conduise non seulement à la reddition de comptes mais aussi à la prospérité. Cette prospérité sera une réalité lorsque nous réussirons à attirer et à sélectionner des compagnies financièrement et techniquement compétentes. Les règles du jeu doivent non seulement être transparentes, mais elles doivent aussi favoriser la concurrence pour inciter les investisseurs à présenter des offres plus avantageuses pour l’État.
Photo : © Dana Smillie / World Bank CC BY-NC-ND 2.0
L’Indice de gouvernance des ressources naturelles : Rapport de l’évaluation intermédiaire 2020 pour la République Démocratique du Congo
Veuillez trouver plus d’informations y compris les données et justifications détaillées de l’évaluation intermédiaire pour la RDC sur le site du Resource Governance Index.
Ce rapport présente les résultats et recommandations de l’évaluation de la gouvernance minière et pétrolière de la RDC pour les années 2018 et 2019. Celle-ci s’est réalisée selon la méthodologie de l’Indice de gouvernance des ressources naturelles (RGI), le seul indice international qui mesure la transparence des pays riches en ressources minières, pétrolières et gazières. L’évaluation intermédiaire pour la RDC était dictée par le souci de mesurer le niveau de mise en oeuvre des recommandations de l’édition 2017 du RGI, mais aussi de prendre en considération les progrès réalisés à travers les récentes réformes légales opérées par le pays, notamment la révision du code et du règlement miniers en 2018, ainsi que leur mise en oeuvre. De façon globale, depuis la dernière évaluation datant de 2017, la gouvernance du secteur minier et des hydrocarbures a connu une amélioration relative. Le secteur minier de la RDC gagne 4 points et voit son score passer de 33 à 37 points sur 100. Le secteur pétrolier jouit d’une augmentation de 10 points et passe de 25 à 35 points sur 100.
République Démocratique du Congo (RDC) : évaluation initiale de l’impact de la pandémie de coronavirus sur le secteur extractif et sur la problématique de la gouvernance des ressources
Ce document fait partie d’une série d’analyses par pays produites par NRGI pour résumer la situation en ce qui concerne la pandémie et ses impacts économiques. L’analyse qu’il contient est susceptible de changer en fonction de l’évolution de cette situation et sera mise à jour en temps utile.
Messages clés
- La pandémie de coronavirus a aggravé la situation économique déjà précaire de la RDC. Les priorités du gouvernement ont été l’obtention d’un allègement de la dette et la conclusion de nouveaux prêts.
- La RDC est fortement tributaire des revenus miniers et est confrontée à une baisse significative de ses recettes en raison de la baisse des prix des matières premières et des perturbations créées par la pandémie dans les activités minières du pays.
- La RDC espère profiter d’un redressement éventuel des prix des matières premières ; mais sans des réformes de fond dans la gouvernance du secteur, en particulier celle des entreprises d’État, le pays ne sera probablement pas en mesure d’en tirer profit
Vue d’ensemble de l’impact économique de la pandémie de coronavirus
La RDC était déjà dans une situation économique précaire lorsque la pandémie de coronavirus a frappé le pays en mars 2020, laissant derrière elle une économie encore plus dévastée. Au début du mois d’avril, les réserves monétaires de la Banque centrale du Congo s’élevaient à 693 millions de dollars américains, soit l’équivalent d’à peine deux semaines d’importations. Le Président de la République, M. Felix Tshisekedi, a décrété l’état d’urgence le 23 mars, occasionnant ainsi la fermeture des frontières nationales et l’isolement de la Ville de Kinshasa, considéré comme épicentre de la pandémie, avec le reste des provinces du pays.
Le gouvernement a dû revoir à la baisse sa prévision initiale de croissance pour 2020, la ramenant de 4 % à 1 %. Le Fonds Monétaire International (FMI) avait, à cet effet, déclaré que la pandémie aurait un impact économique et social considérable sur la RDC, prédisant que l’économie connaîtrait une contraction de 2,2 % en 2020, contre une estimation de croissance de 3,9 % avant la pandémie.
Le pays ne dispose pas de réserves financières tirées de l’exploitation extractive. Ainsi, la priorité du gouvernement a été d’obtenir un allègement de la dette et de faire aboutir le processus en cours de négociation des nouveaux prêts auprès de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de la Banque africaine de développement. Le FMI lui a concédé en avril une facilité de crédit rapide de 363,3 millions de dollars US.
Impact sur le secteur minier
La RDC est confrontée à une baisse de la production minière car les mines ont cessé ou ralenti leurs activités en raison de la pandémie et de la chute de la demande de certains minerais. Plusieurs mines ont donc suspendu ou réduit leurs opérations. C’est le cas par exemple de Frontier, une filiale d’Eurasian Resources Group, qui a annoncé la suspension de ses activités avec le risque d’entraîner la perte de 1 400 emplois. Selon l’agence de presse Reuters, l’entreprise Chemaf, filiale de l’entreprise Shalina Resources basée à Dubaï, a fermé son usine de traitement du cuivre-cobalt d’Usoke et stoppé, en même temps, les travaux de construction de son usine de Mutoshi en réaction à la pandémie. Chemaf a également fermé temporairement le site minier artisanal de cobalt de Mutoshi, approvisionnant le négociant en matières premières Trafigura. Le 2 avril, Ivanhoé a annoncé des mesures de quarantaine et de confinement à Kamoa-Kakula et Kipushi, précisant que ce dernier site avait également temporairement suspendu ses opérations. China Molybdenum a mis en quarantaine sa mine de cuivre et cobalt de Tenke Fungurume fin mars, bien qu’il soit difficile de dire si cette mesure a conduit à un recul de la production, le personnel étant resté bloqué sur le site.
Le ministre des Mines de la RDC a rapporté en avril une augmentation de 12,75 % des exportations de cuivre et une baisse de 15 % des exportations de cobalt pour le premier trimestre 2020, par rapport à 2019. Il a fait observer que si la demande et les cours étaient à l’origine du problème, ces facteurs n’étaient pas aussi importants que les contraintes se rapportant à la production. Le ministre a également déclaré que la fermeture des mines pouvait occasionner une crise économique et sociale « catastrophique » en RDC. Il a reconnu la forte dépendance de la RDC vis-à-vis de la Chine en termes de récupération de la demande de cuivre et de cobalt : son opinion est que les prix pourraient augmenter au fur et à mesure de la reprise de la demande chinoise, mais la RDC ne pourrait en profiter que si la production se maintenait.
L’industrie minière fait aussi face à des problèmes en matière de transport, liés aux restrictions en vigueur au niveau national et international, affectant les exportations de minerais et l’importation d’intrants essentiels ou l’arrivée de spécialistes du secteur. Le ministre des Mines souligne le possible impact négatif des restrictions de mouvement en Afrique du Sud, Durban étant le port d’où les minerais de la RDC sont expédiés vers l’Asie. Katanga Mining, filiale de Glencore, a annoncé des retards dans l’achèvement de son usine d’acide, en raison de « l’impossibilité de faire venir les experts de mise en service nécessaires sur le site, compte tenu des restrictions de voyage et des mesures de distanciation sociale ». Ce retard a conduit la compagnie à rapatrier plus de 300 sous-traitants indiens.
Le gouvernement s’inquiète également du fait que la faiblesse du cours du cuivre pourrait avoir pour effet de ralentir le développement de nouvelles mines au Congo. Toutefois, en mai, Ivanhoe a déclaré que les récents événements n’avaient pas affecté le calendrier de développement du projet Kamoa-Kakula, et que le démarrage de la production était toujours prévu pour le troisième trimestre 2021.
Impact sur le secteur du pétrole et du gaz
Le poids du secteur pétrolier eu égard à l’ensemble des revenus extractifs a été de 11 % en 2017. Le pays cherche à attirer des investissements et à augmenter la production. Toutefois, les investissements seront probablement freinés compte tenu des cours actuels du pétrole, de la réduction de la demande et des difficultés financières auxquelles sont confrontées les compagnies pétrolières et gazières.
Impact sur les revenus du secteur extractif
La RDC dépend fortement de l’exploitation minière pour générer les revenus et faire entrer les devises au pays. Le secteur minier contribue environ à 30 % du PIB et, selon les données du FMI, il a représenté plus de 90 % des exportations totales au cours des cinq dernières années. Le gouvernement n’a pas encore fourni d’estimations concernant la diminution des revenus provenant du secteur extractif. Le groupe de réflexion Congo Challenge, conduit par le professeur Augustin Matata, ancien Premier ministre, a prédit une baisse de 20 % des recettes publiques provenant des secteurs du cuivre, du cobalt et du pétrole, hormis les revenus générés par les entreprises publiques. À court terme, la pandémie pourrait affecter plus directement les droits de douane applicables au secteur minier qui constituent, selon une étude en cours menée par NRGI, la plus importante contribution au budget de l’État.
Au mois de mai, le Conseil des ministres a approuvé une réduction de 35 % du budget national comme étant l’effet de la pandémie sur les recettes publiques. Initialement, le budget voté pour 2020 prévoyait des recettes intérieures de 8,3 milliards de dollars US, en supposant que 2,41 milliards proviendraient du secteur extractif, dont 2,15 milliards du secteur minier et 262 millions de dollars US de la production pétrolière. Les gouvernements locaux des régions productrices qui, depuis 2018, ont reçu des paiements directs des compagnies minières, subiront également un contrecoup. Leurs revenus proviennent surtout d’une partie des redevances payées, qui sont basées sur le chiffre d’affaires des entreprises.
L’entreprise minière d’État, la Gécamines, compte sur les revenus qu’elle perçoit au titre de ses projets de coentreprise et qui sont basés sur le chiffre d’affaires ou la production de ses partenaires. Comme plusieurs de ses opérations minières en coentreprise en sont maintenant au point mort, la Gécamines disposera de moins de liquidités pour ses propres activités et pour les reversements à l’État.
Impact sur la problématique de la gouvernance des ressources naturelles
Le processus ITIE en RDC connaît des difficultés structurelles et financières. Au mois d’octobre 2019, le Conseil d’administration de l’ITIE avait accordé un délai de 18 mois à la RDC pour adopter treize « actions correctives ». Cependant, les restrictions de mouvement, conjuguées aux limitations financières entravant l’action du gouvernement, font que ces actions correctives risquent d’être fortement compromises, ce qui retardera d’autant le processus de Validation de la RDC en tant que pays membre de l’ITIE.
Au moment de la rédaction de la présente note, le salaire du personnel de l’ITIE-RDC n’est pas payé depuis environ cinq mois. Bien qu’un nouveau Coordonnateur ITIE ait été sélectionné, l’Ordonnance de sa nomination n’a toujours pas été signée par le Président de la République. Très probablement, ce retard dans la nomination du nouveau Coordonnateur paralysera les plans de travail de l’ITIE-RDC et affectera la publication de son rapport de rapprochement 2018. Les donateurs sont désireux de soutenir le processus ITIE en RDC, mais attendent un signal du gouvernement démontrant son engagement, en particulier la signature d’une série des textes juridiques. Il s’agit entre autres de l’Ordonnance de nomination du Coordonnateur national, du décret sur la propriété effective et celui sur la structure révisée de l’ITIE. Les projets de deux derniers textes juridiques sont en souffrance depuis plus d’un an.
Mis à part le processus ITIE, la RDC affronte aussi depuis un certain temps une série de difficultés liées à la gouvernance du secteur extractif. Une des questions en marge de la pandémie, et qui doit être surveillée, a trait à la déclaration du ministère des Mines selon laquelle une réduction des impôts et redevances dans le secteur extractif serait une option, même si elle est encore lointaine pour l’instant. Le gouvernement avait mis en place des mesures de soutien au secteur en 2008, en réaction à la crise financière mondiale. Toutefois, les répercussions et l’efficacité de ces mesures n’ont pas été suffisamment analysées.
Perspectives d’avenir
Dès le mois de mars, le gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé d’élaborer un plan de relance. Son rapport n’a pas encore été rendu public. Le pays espère profiter de la reprise de la demande et des prix des minerais stratégiques. Cependant, sans une meilleure gestion du secteur minier, les revenus attendus risquent de ne pas se concrétiser. Les réformes en vue d’une meilleure gouvernance dans le domaine des industries extractives restent indispensables pour l’avenir économique de la RDC. L’une des plus impératives reste la réforme des entreprises extractives publiques telle que la Gécamines, compte tenu, en particulier, de leur rôle dans la gestion du secteur minier et la génération de recettes, ainsi que pour l’approfondissement de la transparence, si nécessaire au secteur afin d’aider à éradiquer la corruption. Alors que le FMI et d’autres organismes prêteurs s’engagent avec la RDC et l’aident à absorber l’impact de la pandémie de coronavirus, l’adoption de ces réformes doit néanmoins rester une priorité absolue. En septembre 2019, le FMI avait déclaré qu’une révision de la gestion de l’entreprise d’État Gécamines était urgemment nécessaire.
Dans le cas où le gouvernement envisageait l’adoption d’une réforme fiscale quelconque dans le secteur minier, la prudence devrait toutefois guider les responsables dans cette voie. Le secteur est hétérogène et les impacts peuvent varier d’un sous-secteur à l’autre, et même d’un projet à l’autre. Toute réponse fiscale devra contenir une définition précise des objectifs poursuivis et les responsables devront veiller à ce qu’ils puissent être effectivement atteints.
Jean-Pierre Okenda est responsable pays pour la RDC chez NRGI.
Intégrer les déclarations ITIE : opportunités et risques pour la participation de la société civile
Le passage à des déclarations intégrées joue un rôle central pour l’avenir de l’ITIE, une norme mondiale qui a pour vocation de promouvoir la transparence et la redevabilité dans l’industrie pétrolière, gazière et minière. Une telle intégration, c’est-à-dire l’abandon progressif de rapports spécifiques classiques pour compiler les déclarations ITIE en faveur de déclarations systématiques et publiquement accessibles faites par les gouvernements et les entreprises conformément aux exigences de la Norme ITIE, peut potentiellement améliorer l’actualité, la pertinence contextuelle et la qualité des données publiées. Bien que les changements attendus offrent diverses opportunités de renforcer le rôle de la société civile, bien des acteurs au sein de cette dernière s’inquiètent aussi de voir l’intégration compromettre la nature multipartite de l’ITIE. Dans le contexte plus large d’attaques persistantes contre les libertés fondamentales, les valeurs démocratiques et le dialogue ouvert entre gouvernants et gouvernés (ci-après le terme « espace civique » englobera ces différentes notions), la crainte est grande de voir la société civile progressivement mise à l’écart de la prise de décision nationale relative à la gestion des ressources naturelles.
Cette note de travail a pour objectif de contribuer au débat naissant sur l’intégration des déclarations ITIE, à travers une analyse détaillée des opportunités et des risques qui en découlent pour la société civile. Ce faisant, nous espérons suggérer des pistes d’action aux acteurs impliqués dans les processus ITIE, notamment son Conseil d’administration, son Secrétariat international, les partenaires de développement et les groupes multipartites nationaux, afin de répondre aux préoccupations de la société civile, encourager la participation de celle-ci aux processus d’intégration, et surtout, de promouvoir la généralisation de la consultation et de la participation de la société civile en tant que telles. Pour ce faire, nous commençons par expliquer en quoi consiste l’intégration. Nous présentons ensuite quatre opportunités et trois préoccupations clés fréquemment soulevées en lien avec le rôle de la société civile dans les processus ITIE. Pour chacune de ces préoccupations, nous identifions différents moyens permettant aux acteurs desdits processus d’appuyer, en particulier au niveau national, une participation pleine, active et effective de la société civile dans la transition vers des déclarations intégrées. Les approches suggérées s’appliquent à toutes les étapes de l’intégration, depuis la planification et la procédure de demande jusqu’à la supervision de la mise en oeuvre.