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Au Congo, « la formation des acteurs de la société civile est un impératif »

Au début du mois d’aout, 34 participants venant de 9 pays de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale ont pris part à la 8e Session de l’Université d’été sur la gouvernance des industries extractives organisée par Natural Resource Governance Institute et l’Université Catholique d’Afrique Centrale (UCAC), à Yaoundé, Cameroun. J’ai eu l’occasion d’échanger avec l’un des participants, Koumbhat Alvin Crémy, originaire du Congo (Congo-Brazzaville), et responsable des programmes du Cercle des Droits de l’Homme et du Développement (CDHD) depuis 2014. Son organisation travaille entre autres dans la gouvernance de la forêt, des mines et du pétrole.
 
Christophe Tiyong : Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés au Congo et qu’avez-vous appris ici ?
 
Koumbhat Alvin Crémy : Le Congo est producteur de pétrole depuis bientôt 50 ans et en est actuellement le 6e pays producteur en Afrique. Malheureusement cette production ne s’accompagne pas de développement ; la population croule dans la pauvreté. Si l’on se réfère à l’Indice de Gouvernance des Ressources Naturelles 2017, le Congo est classé 58e sur 89 avec un score médiocre de 39/100. Mon organisation est membre de la composante société civile de l’ITIE au Congo, je suis conscient de ce que la faiblesse des connaissances dans le domaine des industries extractives constitue un sévère handicap pour notre travail quotidien en faveur de la bonne gouvernance de ce secteur. Cela a fait l’objet de consensus dans plusieurs ateliers. A l’occasion de l’un de ces ateliers à Libreville, Mme Kabre Lucie, une ancienne participante de l’Université d’été du Centre d’Excellence pour la Gouvernance des Industries Extractives en Afrique Francophone (CEGIEAF) m’a parlé de cette formation et m’a beaucoup encouragé à y prendre part.
 

Grâce à cette formation, deux semaines de cours résidentiels et plusieurs mois de travaux préparatoires, je connais davantage sur la chaine d’extraction, la chaine de production, la chaine des valeurs, le cadre juridique et les types de contrats, les clauses contractuelles, la fiscalité des industries extractives, la problématique de la divulgation de la propriété réelle, le contenu local, la RSE, la gestion des impacts, etc. Maintenant je pense que je suis capable d’évoquer, de comprendre, de discuter et même d’apporter des contributions sur ces différentes questions pour une meilleure gouvernance dans mon pays.
 
Quels axes de travail poursuivrez-vous à l'avenir? Quels sont les besoins les plus urgents en matière de gouvernance des ressources naturelles au Congo?
 
Les rapports ITIE essayent de retracer tous les revenus issus des ressources extractives. Mais ces rapports après publication restent pratiquement dans les tiroirs. Il n’y a pas de vulgarisation, de partage avec la base. Je souhaite donc contribuer ou susciter la vulgarisation de tous les rapports ITIE parce que c’est cela le plus important : on ne peut pas publier les rapports pour les mettre dans les tiroirs. Même si la population congolaise est à 90% scolarisée, nous connaissons la place de la culture orale dans les sociétés africaines. Donc les rapports s’ils restent dans les tiroirs ou dans les livres, ils ne vont pas servir à une grande majorité de la population. Nous n’aurons pas seulement à montrer les rapports, mais nous pourrons aussi les commenter grâce à la compréhension et à la capacité d’analyse acquises au cours de la formation.
 
Au-delà de cette vulgarisation des rapports ITIE, il y a plusieurs choses qui m’ont particulièrement intéressé. D’abord le concept de contenu local. Si vous parcourez notre code minier, cela n’apparait nulle part. C’est beaucoup plus dans les contrats, que quelques aspects y afférent sont légèrement évoqués. C’est quelque chose qui doit être généralisé et inscrit dans la loi. C’est la base, parce qu’on ne peut pas arriver dans un territoire, exploiter les ressources naturelles et ne pas en faire bénéficier la main d’œuvre locale. On doit valoriser la ressource humaine locale. Il s’agira pour moi, que ce soit à travers le plaidoyer ou le suivi des politiques, de susciter un travail de révision du code minier afin d’insérer cette notion de contenu local entre autres.
 
Il y a enfin la responsabilité sociétale des entreprises, l’amélioration des conditions des travailleurs, et la prise en compte des droits des communautés locales et des populations autochtones. Dans les zones d’exploitation, nous savons comment ça se passe. Les terres sont données aux compagnies sans impliquer les populations (notion du CLIP), sans cartographie identifiant de manière participative les zones d’activité des populations, pour sécuriser les sites sacrés et les lieux d’activités des communautés. C’est un problème. La société civile devrait travailler avec l’Etat et les compagnies à la mise en place d’un cadre juridico-institutionnel pour traiter ces questions.
 
Un mot pour conclure ?
 
J’ai eu à participer à de nombreuses formations. Celle-ci a été complète par le contenu des modules et par la qualité des formateurs. Elle correspond aux besoins de la plupart des acteurs de la société civile. Je ne me suis pas ennuyé et j’ai pu suivre du début jusqu’à la fin, tant elle était intéressante et très enrichissante.
 
Cet entretien a été édité et compressé pour plus de clarté et de concision.
 
Christophe Tiyong est associé de programme régional Afrique pour NRGI.
 

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Republic of Congo